Suppression de la Taxe Professionnelle

Cette annonce du Président de la République plonge les collectivités locales dans le brouillard. Toutes réagissent. Voici, à ce titre, une note rédigée par l'APVF (Association des Petites Villes de France) sur ce sujet crucial pour les collectivités et leur capacité à investir.

Les annonces

Le 5 février 2009, le Président de la République a exprimé sa volonté de voir supprimée la taxe professionnelle, au motif que cet impôt nuirait à la compétitivité du territoire national, en particulier dans le secteur de l’industrie.

Le 7 février 2009, le Premier ministre a publié un communiqué dans lequel il assure que la perte de recettes pour les collectivités territoriales sera compensée, mais selon des modalités qui seront arrêtées après que le comité présidé par Edouard Balladur sur la réforme des collectivités aura rendu son rapport. Selon le Premier ministre la taxe serait supprimée sur la totalité des investissements productifs, mais il demeurerait une cotisation minimale, assise sur la valeur ajoutée de l’entreprise, afin de s’assurer que ''« le poids de l’impôt est fonction de la situation économique de l’entreprise ».''

Dans ces conditions, alors que la taxe professionnelle permet de prélever aujourd’hui 28 milliards d’euros par an, l’allègement ne représenterait que 11 milliards pour les entreprises, soit autant de manque à gagner pour les pouvoirs publics. Pour comprendre pourquoi le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé que le coût total de la mesure serait égal à 8 milliards d’euros, il convient de se rappeler que la taxe professionnelle acquittée par les entreprises est déductible de leur impôt sur les sociétés. Par conséquent, la suppression de la taxe professionnelle entraînerait mécaniquement une hausse des contributions des entreprises au titre de cet impôt sur les sociétés. Cette hausse est évaluée par le Gouvernement à 3 milliards d’euros.

Le coût total de cette suppression partielle serait alors égal à 8 milliards d’euros : 11 milliards d’allègement sur les entreprises, moins 3 milliards de rentrées fiscales supplémentaires au titre de l’IS.

L’APVF mobilisée

L’Association des petites villes de France, en coordination avec les autres associations d’élus, s’est étonnée, dès le lendemain de l’annonce du Président de la République, d’une annonce unilatérale qui ne soit pas précédée de la nécessaire concertation. Elle a rappelé que la suppression de la TP devrait s’accompagner de la mise en place d’un nouvel impôt local, qui devrait demeurer à la fois économique et territorialisé.

En effet, d’une part, la fiscalité locale ne saurait peser sur les seuls ménages. Les entreprises doivent continuer d’être mises à contribution, car elles bénéficient, tout autant que les personnes physiques, des services publics.

D’autre part, il est nécessaire de conserver un lien entre le territoire d’implantation d’un établissement et l’impôt dû par une entreprise. Ce lien est le seul moyen d’inciter les collectivités à accueillir sur leur sol des entreprises, surtout lorsque ces dernières génèrent des nuisances. Tout comme les entreprises attendent un retour sur leurs investissements, les collectivités locales doivent pouvoir profiter d’une augmentation de leurs recettes fiscales lorsqu’elles investissent dans l’attractivité économique de leur territoire.

Or, sur ce point, le Premier ministre s’est contenté d’affirmer, le 7 décembre, qu’après cette réforme, ''« les entreprises garderont toujours un lien fort avec les territoires où elles sont implantées en s’acquittant de taxes qui seront assises sur des valeurs foncières ».''

Enfin, l’APVF a appelé à une clarification très rapide des intentions du Gouvernement, car l’incertitude des collectivités quant à l’évolution d’une de leurs ressources principales retarde nécessairement leurs décisions d’investissement, alors même que les réformes précédentes de la TP ont d’ores et déjà réduit le dynamisme de cet impôt.

Les amputations progressives de la TP

Pour mémoire, la taxe professionnelle a connu trois modifications importantes de son régime depuis dix ans, allant toutes dans le sens d’une amputation de son produit.

La loi de finances pour 1999 a supprimé progressivement, sur cinq années, la fraction des salaires et rémunérations incluse dans la base d'imposition à la taxe professionnelle. Cette même loi a institué une compensation de la perte de recette occasionnée par cette réforme aux collectivités locales, groupements de communes à fiscalité propre et fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle, sous la forme d’une dotation annuelle, dont l’évolution est décidée par le Comité des finances locales, en fonction du taux d’évolution de la Dotation globale de fonctionnement.

La loi de finances pour 2006 a instauré un deuxième mécanisme, de plafonnement du montant de TP dû, à 3,5% de la valeur ajoutée de l’entreprise. Ce plafonnement a entraîné une réduction annuelle de 3,7 milliards des prélèvements à la charge des entreprises.

Enfin, la loi de finances rectificative pour 2008 a prévu, suite au discours de Toulon du Président de la République, un dégrèvement de taxe professionnelle pour la part relative aux immobilisations corporelles créées ou acquises neuves entre le 23 octobre 2008 et le 31 décembre 2009.

Mais, dans l’hypothèse d’une suppression totale de la taxe professionnelle, le mécanisme de compensation par l’Etat du manque à gagner pour les collectivités, sous la forme jusque là classique d’une dotation budgétaire annuelle, pourrait se heurter au cadre constitutionnel.

La contrainte constitutionnelle

Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, l’article 72-2 de la Constitution prévoit que ''« les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources », cette part « déterminante »'' étant définie par la loi du 29 juillet 2004 comme celle égale au niveau constaté en 2003 (soit 60,8% pour les communes).

Toute loi supprimant un impôt local, sans le remplacer par un autre s’expose, si cet impôt représente un montant important, à ce que le Conseil constitutionnel la déclare inconstitutionnelle, car entraînant une baisse de l’autonomie financière des collectivités territoriales à un niveau inférieur à celui constaté en 2003. Une compensation de la suppression de tout ou partie de la TP par une dotation d’Etat serait donc, désormais, périlleuse juridiquement…

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