AG 2006 de l'association des maires de Vaucluse

L'AG annuelle de l'AMV s'est tenue à Saint saturnin les Avignon le lundi 13 novembre 2006. Ci-joint mon rapport de secrétaire général de l'association dans lequel je développe trois sujets de préoccupation :

- le statut de l'élu local

- les relations difficiles entre l'Etat et les collectivités territoriales

- "la compétitivité des territoires" qui remplace "l'aménagement du territoire"

Monsieur le Préfet,

Messieurs les Parlementaires,

Monsieur le Président du Conseil Général,

Mesdames et Messieurs les conseillers régionaux et généraux,

Mesdames et Messieurs les maires, chers collègues élus,

Mesdames et Messieurs les directeurs de service,

Mesdames et Messieurs,

Vous trouverez dans vos dossiers la liste, établie par Madame Ménard, des différentes réunions et rencontres que nous avons eues au cours de l’année écoulée. Cette liste témoigne de nos activités. Plutôt que de vous en faire la lecture exhaustive, je préfère m’exprimer sur trois sujets qui sont au centre de nos préoccupations d’élus locaux. Auparavant, je tiens à remercier Mme Ménard et Mme Lenoir pour le travail qu’elles font tant au siège de notre association que dans nos communes lorsqu’elles sont appelées à intervenir. Nos remerciements vont également à Monsieur le Président du Conseil Général pour son soutien actif – financier et humain – à notre association.

Maintenant, mes chers collègues, puisque c’est notre assemblée générale annuelle et que nous sommes nombreux à être venus cet après-midi, ici à Saint Saturnin les Avignon, chez notre ami Léopold que je remercie chaleureusement pour son accueil, parlons-nous, parlons de nous, parlons de nos difficultés, parlons de notre beau mandat de maire. Tant il est vrai que si nous ne le faisons pas nous-mêmes, il est à craindre que personne ne le fasse à notre place.

Sans tomber dans la complaisance et les lamentations, nous les maires, nous sommes quand même en droit de nous poser quelques questions sur nous-mêmes du type de celles-ci :

« Qui travaille entre 50 et 70h par semaine ?

Qui gagne à peu près le SMIC ?

Qui n’a pas la sécurité de l’emploi et n’a droit ni aux indemnités de licenciement, ni à un reclassement ?

Qui dirige une entreprise de plusieurs dizaines, voire centaines d’employés ?

Qui est pompier de service 7 jours sur 7 ?

Qui est tenu responsable de tout ce qui peut arriver de mal, faisant ainsi office de Caramentran permanent ?

Qui risque d’être traduit devant les tribunaux pour chacun de ses actes ?

Qui sacrifie largement sa vie de famille à la cause publique ?

A qui, de surcroît, voudrait-on faire jouer le rôle de shérif et de juge de paix ?

Vous l’avez deviné, vous vous êtes reconnus, c’est chacun d’entre nous, c’est le maire, homme orchestre par excellence.

Question subsidiaire : devinez pourquoi le mandat de maire est exercé essentiellement par des retraités, des fonctionnaires ou plus généralement par des gens n’ayant pas besoin de travailler pour vivre ?

Heureusement, dans cet horizon fermé pointent parfois des lueurs d’espoir, celle-ci par exemple que j’ai relevée dans la lettre du Maire de la semaine dernière : « Les maires ne sont pas responsables des dégâts causés par … les ours ! Certes, les maires restent responsables de l’information de leur population sur la dangerosité des ours, mais les frais de cette communication incombent à l’Etat. » Voilà enfin une bonne nouvelle !

Plaisanterie mise à part, mes chers collègues, ce n’est pas pour nous apitoyer sur notre sort que j’évoque nos difficultés, bien au contraire. Nous qui sommes ici, nous avons accepté les contraintes de notre charge et nous sommes très attachés à notre mandat électif, passionnant par bien des aspects, mais à l’approche du renouvellement de nos conseils, reconnaissez avec moi qu’on vit une crise de la démocratie du moment que les citoyens ne sont pas égaux devant l’accès aux mandats électifs. Cet aspect de la vie publique est pourtant au moins aussi préoccupant que les tartes à la crème avec lesquelles on nous rebat les oreilles : celle de la parité sexuelle et celle du cumul des mandats.

Dans l’année à venir, nous aurons un nouveau gouvernement et de nouveaux députés, espérons qu’ils auront à cœur d’apporter des réponses concrètes aux racines de cette crise des vocations. Les élus locaux – les maires et les adjoints en particulier – doivent être représentatifs de la diversité de la population française et pour cela, il est indispensable que notre République s’en donne les moyens et se dote d’un véritable statut de l’élu.

Deuxième sujet de préoccupation que je souhaite évoquer avec vous, c’est celui de nos relations avec l’Etat qui, de l’avis de nombreux maires, se sont dégradés au cours de ces dernières années. Là encore, parlons clairement sans nous voiler la face, osons dire les choses, étant bien entendu que ce ne sont pas les relations entre les hommes qui sont en cause, celles-ci sont toujours cordiales, mais seulement les relations entre les institutions pour ne pas dire entre les systèmes.

Ce qui pollue nos relations tient principalement à deux choses :

- d’abord à un acte II de la décentralisation qui est perçu par la plupart des élus comme un marché de dupes, en raison de transferts de charge pas ou mal compensés, et qui s’accompagne d’une perte d’autonomie financière des collectivités, après l’adoption en fanfare de principes constitutionnels contraires.

- et ensuite – deuxième chose – à une montée en puissance continue de la réglementation, de la production de normes et d’un contrôle de légalité de plus en plus tatillon et stérilisant.

Dans ce contexte, la défiance ne peut que s’installer et polluer les relations entre l’Etat et les collectivités territoriales, alors que c’est précisément du contraire que nous avons le plus besoin. Nous avons besoin de nous sentir en confiance pour pouvoir faire face dans de bonnes conditions aux défis de la modernité et de la complexification du monde.

Dans l’ensemble, ces dernières années, les communes ont pu assainir leurs finances. Cela a tenu à des taux d’intérêt faibles, mais aujourd'hui la croissance de certaines dépenses importantes comme les frais de personnel et le coût de l’énergie ainsi que la réduction programmée des compensations et des dotations de l’Etat, inquiètent les maires qui ont compris que le gouvernement souhaitait associer les collectivités à la réduction de son déficit budgétaire.

Tout le monde connaît le chiffre de 1.100 milliards d’euros d'endettement de l'Etat ; si on le divise par 60 millions de Français, cela donne une dette de 18 000 euros par habitant, nourrissons compris. C’est à la tâche exaltante de résorption de cette dette que l’Etat entend nous associer au moyen, entre autres, de la réduction des dotations et des compensations. Après tout, pourquoi pas, me direz-vous ? Pourquoi les collectivités territoriales ne participeraient-elles pas en effet au redressement de l’Etat ?



Soit, mais qu’on évite au moins de nous faire la leçon ! Si nos finances communales étaient dans un tel état, il y a belle lurette que nous nous serions faits épingler par le Chambre régionale des comptes. Ensuite qu’on évite également de nous changer les règles du jeu et de nous priver de nos marges de manœuvre. Je pense, entre autres, au plafonnement de la taxe professionnelle.

Hier, la loi Chevènement faisait de la TPU l’un des leviers de la recomposition des territoires en permettant la mutualisation de cette ressource dynamique. Aujourd’hui, avec son plafonnement, c’est une véritable mesure de privation de liberté fiscale qui a été prise à notre insu, mesure qui, en outre, est inéquitable entre les territoires. Cette mesure m’apparaît perverse à un double titre.

- d’abord, si les communautés sont privées de pédale fiscale, leur premier réflexe va être de réduire leurs investissements. Et qui va être touché ? le BTP, évidemment ! Or, dans ce domaine-là, le marché des collectivités locales représentent 46 milliards d’euros et les statistiques montrent que chaque fois que 100.000 euros sont dépensés, c’est un emploi privé qui est créé : 46 milliards, ça fait 460.000 emplois

- ensuite - deuxième effet pervers - si malgré tout, sous la pression croissante de la demande de nos administrés, les communautés veulent ou ne peuvent pas faire autrement que dépenser un peu plus, de quelle manette vont-elles pouvoir jouer ? Je n’en vois pas 36 ; par contre il y en a une qui leur tend les bras : c’est le recours à la fiscalité mixte, c'est-à-dire le prélèvement des EPCI sur les taxes ménages, taxe d’habitation et taxes foncières qui en principe devraient rester aux communes. En soi, la démarche n’est pas condamnable, surtout si elle correspond réellement à une amélioration de la qualité et de la quantité du service rendu aux familles. Mais il faut comprendre que cette évolution traduit deux choses précises :

  • d’une part un transfert de charges des entreprises vers les ménages : ce sont les familles qui sont mises à contribution
  • et d’autre part un affaiblissement des communes : en effet, si les communautés viennent manger quelques parts du gâteau fiscal des communes, ces dernières perdent en importance. On voudrait réduire le rôle des communes qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Vous le voyez, mes chers collègues, tout cela n’est pas neutre ! Sous le couvert de mesures techniques, c’est une politique bien précise qui est à l’œuvre.

Et, à travers tout cela, dans ce contexte changeant, nous les maires qui avons en charge le pilotage général de nos collectivités, nous avons de plus en plus de difficultés à exercer notre mission de base : anticiper ! Année après année, nous perdons en visibilité.

Comment élaborer des projets un tant soit peu ambitieux quand tout bouge, quand la réglementation se complexifie de jour en jour, quand les procédures s’allongent démesurément et quand l’Etat fait peser des incertitudes notoires sur nos ressources financières propres ? Comment entreprendre dans ces conditions, avec quelque chance d’aboutir ?

La situation que nous vivons, mes chers collègues, handicape profondément l’initiative publique et par conséquent l’économie nationale.

Enfin, Monsieur le Préfet, Monsieur le Président du Conseil général, mes chers collègues, 3e sujet d’inquiétude que je voudrais évoquer avec vous : c’est le passage de l’aménagement du territoire à la compétitivité des territoires. Bien au-delà d’un simple glissement sémantique, ce passage témoigne à mon sens d’un changement politique radical dont les villages et toute la ruralité devraient s’inquiéter plus qu’ils ne le font.

Dans ce double mouvement de raréfaction de l’argent public et de mobilisation des moyens pour développer la compétitivité des territoires, on voit mal comment la ruralité dans son ensemble peut tirer son épingle du jeu. La logique n’est plus d’aménager la totalité du territoire de manière équilibrée, mais bien d’aider les plus forts à être encore plus forts et encore plus compétitifs.

Quant aux petits et aux faibles, ils ont la campagne pour eux, le soleil, le bon air et les oiseaux, il faut qu’ils comprennent qu’ils ne peuvent pas tout avoir. Déjà, l’Etat s’occupe de leur sécurité en les dotant de PPRI pour la sécurité des personnes et des biens. C’est un très gros effort qui est fait pour leur bien, et soit dit en passant un travail pas facile et ingrat pour les techniciens de l’Etat qui ont à affronter et à supporter la mauvaise humeur des élus.

Pour être compétitif et mobiliser les aides de l’Etat, il faut élaborer des projets. Et pour élaborer des projets, il faut avoir de l’ingénierie en interne, il faut avoir déjà une taille critique. Bref, passer de l’aménagement du territoire à la compétitivité des territoires revient, par la force des choses, à opposer urbain et rural et à miser sur l’urbain. Peut-être est-ce une nécessité du contexte concurrentiel dans lequel nous vivons, je veux bien le croire, mais encore faut-il le dire clairement ! A ce sujet, j’aimerais bien que les maires des plus petites communes expriment leur ressenti.

Voilà mes chers collègues, Monsieur le Président du Conseil Général, Monsieur le Préfet, quelques-uns de nos sujets d’inquiétude. Malgré cela, notre attachement à nos communes et à nos concitoyens est intact, notre goût d’entreprendre et de gagner n’est en rien altéré, notre désir de bien faire est toujours là. J’espère que cette assemblée générale redonnera courage à ceux d’entre nous qui se sentent enclin à baisser les bras. A ceux-là, s’il en existe, je voudrais dire que notre mission est belle et d’autant plus passionnante que les difficultés et les défis sont grands. Si les choses sont difficiles pour nous, elles le sont également pour nos concitoyens qui ont besoin de nous car ils vivent plutôt mal la société anxiogène qui est la nôtre. Leurs attitudes et leurs comportements sont de plus en plus induits par la peur des autres. La raison cède souvent le pas à l’affectif et là, dans l’ensemble, nous les rassurons car ils nous connaissent et ils ont confiance en nous. Parmi toutes nos fonctions, celle-ci est peut-être l’une des plus importantes. On en parle rarement, pourtant l’émotion est une composante essentielle de la vie publique.

Donc, mes chers collègues, ne capitulons pas, soyons vaillants, nos populations comptent sur nous. C’est dans la bagarre que nous sommes les plus forts, l’adversité seule nous permet de nous dépasser.

Je terminerai en lançant un appel à Monsieur le Préfet et aux directeurs des services de l’Etat présents dans cette salle. Monsieur le Préfet, Mesdames, Messieurs, merci de nous aider en nous apportant votre expertise et en nous accompagnant dans nos projets de développement, et tant pis si pour cela vous devez sacrifier un peu vos missions de contrôle et de réglementation. Plus que d’un Etat censeur, nous avons besoin d’un Etat facilitateur. C’est ainsi que nous retrouverons la confiance entre nous en dépit des turbulences de ces dernières années. Cette révolution culturelle est plus que jamais indispensable si nous voulons réellement être capables de relever les défis de demain.

Je vous remercie

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